Par Jean Luc Garnier
Le 13 janvier, lors de la présentation de ses vœux aux acteurs du monde culturel, le Président de la République a annoncé sa décision de créer un « musée de l’Histoire de France. Ce musée sera situé dans un lieu emblématique de notre histoire, un lieu qui reste à choisir et qui sera choisi ». Cette initiative fait suite aux conclusions du rapport commandé en 2007 au conservateur du patrimoine Hervé Lemoine.
La nouvelle n’a pas été sans provoquer quelques réactions des historiens. Beaucoup d’entre eux ont sans doute été très surpris par cette annonce et n’ont pas tardé à réagir, alors qu’on aurait pu les penser flattés par cette soudaine attention à leur domaine.
« Quel besoin d’un musée de l’Histoire de France ? » Cette question résume assez bien leur discours. Et en effet on peut se poser la question. Chaque ville a son musée qui place souvent son présent et parfois même son futur dans une perspective historique. La capitale elle-même est un gigantesque musée d’histoire et l’île de France regorge de musées historiques.
Au delà de l’effet d’annonce, quelle est la nature du projet ? Déshabiller le Louvre, Saint Germain, Orsay, et beaucoup d’autres encore pour bâtir un mausolée dédié à la seule histoire de notre pays ? Cette volonté affichée nous oblige à faire le rapprochement avec le concept d’identité nationale qui se développe et qui nous vaut même un ministère. Et le Président serait-il à son tour atteint par l’impérieuse nécessité de laisser une marque, une trace au regard du futur ? Cela devient une tradition, quasi monarchique, depuis la présidence de Georges Pompidou. Elle a d’ailleurs valu au musée de l’Homme de se voir privé d’une partie de ses collections pour le bénéfice du musée Branly voulu par Jacques Chirac.
Dans notre pays, l’histoire est partout, au sein de tous les territoires. Notre pays est terre d’histoire. C’est ce que semble oublier l’État aujourd’hui quand on constate les coupes sombres effectuées dans les subventions délivrées par ses services aux musées régionaux et locaux. Ces réductions de subvention, intervenant en plein exercice budgétaire, ont parfois atteint 70 % en 2008. Elles entraînent fatalement des réductions de personnels, des hausses du prix du billet d’entrée, des ambitions revues à la baisse. Tous les acteurs de la vie muséographique et du travail historique constatent et subissent cette situation.
Dans ce contexte, est-il nécessaire de lancer un projet qui semble s’apparenter à une pyramide de plus. L’histoire, qui est universelle et non seulement française, n’en a sans doute pas besoin.
PS : Le rapport d’Hervé Lemoine est consultable en ligne sur www.culture.gouv.fr
Ndlr : Lire aussi la Tribune Libre de Daniel Roche et Christophe Charle « La France au musée de l’histoire. Le projet annoncé par Nicolas Sarkozy relève d’une conception obsolète » publiée dans « Le Monde » daté des 8-9 février 2009.