UN TRAIN POUR L’EUROPE…
Le parti démocrate italien a ainsi amené à Paris lundi 20 avril au théâtre de l’Odéon plusieurs cars de jeunes italiens en « tournée » dans l’Europe sur le thème :
« De la crise à l’Europe sociale ».
Cette conférence à laquelle j’ai assisté avec des amis socialistes des Yvelines nous a ainsi permis d’entendre tout d’abord Bertrand Delanöé sur les frontières de l’Europe et qui nous a rappelé la communauté entre l’Italie et la France et notamment que la seule ville avec laquelle Paris était jumelée était Rome, mais que cela s’était réalisé lorsque le maire de Rome était Démocrate (de gauche), mais que maintenant le lien était distendu depuis que cette ville était dirigé par un maire du parti au pouvoir de Berlusconi.
Ensuite nous avons le plaisir d’entendre Jacques Delors sur le thème du Retour de l’Europe sociale face à la faillite de l’idéologie néo-libérale et qui nous a brossé un rappel de la construction de l’Europe et des différentes crises traversées par celle-ci, tant lors de sa création qu’actuellement. Il a toutefois insisté sur le fait que pour la crise en cours, l’Europe est reconnue car ce sont notamment les Etats-Unis (le ministre des finances) qui sont venus en Europe pour débattre du dollar instable et de la crise pétrolière et non l’inverse comme cela se passait précédemment.
Il pose également la question de savoir si les pays de l’Europe doivent tous avancer au même rythme. Comme actuellement la règle de l’unanimité est en application, cela explique les soucis traversés par l’Europe. Tant que le traité de Lisbonne qui modifie les règles de vote ne sera pas ratifié nous aurons des turbulences. La création de l’Europe et surtout le passage à l’euro (monnaie unique) à boosté l’intégration et le décollage de plusieurs pays, mais maintenant « l’Euro protège mais ne dynamise pas », et que s’il y avait un pacte de coordination des politiques économiques, ce qu’il avait souhaité lors du traité de Maastricht, les pays coordonneraient maintenant leurs politiques économiques pour les dynamiser et les optimiser au lieu de présenter individuellement celle dans leur propre pays lors des conseils des ministres des finances. Actuellement l’Europe reste une Europe des états et les querelles existent car certains ne voient en l’Europe qu’un espace économique alors qu’elle devrait être beaucoup plus. On n’a pas avancé depuis le refus entre autre de la France au tout début de créer une défense européenne commune.
L’Europe va mal – elle boite – et la croissance potentielle est maintenant trop faible y compris aux Etats-Unis car la mondialisation et la globalisation ont entraîné la baisse des salaires par la recherche des coûts les plus bas.
Si le dollar baisse c’est notamment parce ce dernier évolue en fonction des achats de bons du trésor US par la Chine et que le yen est sous-évalué.
Jacques Delors a aussi rappelé que 25 % des réserves bancaires sont en euros et que 56 % des échanges commerciaux sont réalisés en euros. Toutefois pour lui l’Union monétaire européenne ne marche que sur une jambe.
La commission doit revoir son rôle et il faut la réhabiliter alors que le parlement rempli correctement sa mission et surtout est écouté.
Pour lui, la finalité de l’Europe devrait reposer sur 3 piliers :
– compétition,
– coopération,
– solidarité,
mais ces 2 derniers piliers n’existent pas vraiment actuellement et c’est aussi pour cela que l’Europe hésite et fonctionne mal.
Il a insisté tout au long de son discours sur le fait qu’il est totalement erroné de dire comme le fait l’UMP que si l’on résout le problème politique, tout sera résolu. Ne tout voir que sous l’aspect politique ne donnera rien de bon.
Nous avons ensuite écouté Michel Rocard devant parler de La crise financière et la fin des politiques de réglementation économique de l’après-guerre qui s’est dit plus pessimiste qu’optimiste vis-à-vis de la crise actuelle car il considère que beaucoup n’y comprennent rien et donc ne voient pas vraiment les « solutions » car ne veulent pas voir cette crise en face
Lui la considère profonde et dangereuse…
Il est revenu aussi sur les grandes étapes de la création de l’Europe, mais par rapport à l’attitude des pays qui l’ont créé, puis qui l’ont rejointe et a ainsi expliqué pourquoi le Royaume –Uni est hostile à aller plus loin dans son adhésion. Cela remonte à Winston Churchill pour qui le continent a toujours été guerrier- il est remonté jusqu’à Charlemagne et la dislocation de cette grande Europe entre ses fils, lors de sa mort-, avec par la suite plusieurs pays ayant accepté des régimes fascistes (Allemagne, Italie, Espagne, Grèce…). De gaulle considérait d’ailleurs que le Royaume Uni était plus enclin par nature, à suivre les USA ce qui a justifié à l’époque son refus de le voir entrer au sein de l’Europe. Il y rentrera ensuite en 1969 au départ du Général de Gaulle, mais plus pour la contrôler que pour y jouer un rôle moteur. D’autres pays y rentreront en même temps (Irlande et Danemark), mais tout ceci sans débat de fond sur le processus d’intégration et ses règles communes en matière de droit du travail, de protection sociale,… qui resteront ainsi du domaine national. Seule règle commune sur la justice. Aussi, le désaccord est quasi permanent sur la politique (intervention en Irak ; la guerre des Balkans, le conflit Israélo-Palestinien…).
Pour Michel Rocard, l’OTAN aurait du être dissous lors de la chute du rideau de fer.
Il redit dans la suite de Jacques Delors que la règle de l’unanimité est mortelle pour l’Europe, mais la majeure partie des pays ne veut pas d’une Europe politique qui pourrait leur faire perdre leur « identité »
Les « pères » fondateurs (Jean Monnet, Paul Henri Spaak, De Gasperi, Konrad Adenauer, Robert Schumann) voulaient une Europe façon Etats-Unis pour
parler d’une seule voix ce qui en fait n’existe pas.
L’Europe s’est ainsi faite autour de l’économie un peu par hasard, suite au veto de la France pour la défense commune.
Le commerce est devenu ainsi libre entre les 6 pays européens fondateurs et a augmenté la croissance de ces derniers. C’est pour cela que plusieurs pays ont souhaité intégrer cette union. La réconciliation Franco-allemande y a contribué. On est ainsi dans ce que l’on a appelé « Les 30 glorieuses ».
Il regrette qu’il n’y ait pas de pilotage commun de la zone euro qui risquerait d’entraîner ce que certains prédisent « la fin de l’Euro » dans un livre éponyme alors que l’Union européenne est la 1ère économie mondiale, la 2ème nation et la 1ère potentialité économique. Cette fin de l’euro selon lui est le risque entraîné par la crise si l’on ne peut plus tenir les dettes nationales.
Michel Rocard est revenu sur les fondements de la crise.
Lors des « 30 glorieuses » on a oublié le tiers monde et on a eu une victime : l’actionnaire. Vers 1980, ce dernier va se regrouper pour demander des dividendes et les USA se sont lassés de maintenir le cours du dollar par rapport à celui de l’or. A ce moment, Milton Frydman qui a eu le prix Nobel d’économie a eu selon Rocard une idée qui tue, mais suivie… ». Il a ainsi dit :
« L’équilibre des marchés étant optimum, il ne faut pas y rajouter du social, de l’environnemental; bref ne rien changer au capitalisme triomphant… ». Personne n’a rien dit, ni n’a rien vu venir, mais cela a entraîné une crise financière avec la montée de travailleurs devenus précaires. (20 % de la population vers 1980).
La finance est devenue financière, la financiarisation a vu le jour avec 1000 milliards de $ en circulation. On a inventé des produits financiers sur les matières premières, les traders, les actionnaires…et donc les rendements.
La crise des subprimes aux USA est venue du fait que l’on a commencé à baser les crédits non plus sur la régularité de l’emprunteur à rembourser, mais sur la valeur que les préteurs pouvaient gagner en revendant la maison si l’emprunteur ne pouvait plus payer (emprunt hypothécaire, cher à notre président !!!).
La solution est mondiale, mais les banques ne se font plus confiance et ne se prêtent plus d’argent entre elles.
Michel Rocard ne voit pas la sortie de la crise avant 2010 et encore, bien qu’il reconnaisse que l’Europe a bien endigué les faillites bancaires, mais il estime qu’il faut réinvestir dans l’économie réelle où toutefois les valeurs ont diminué de moitié. Selon lui, la sortie ne pourra être uniquement bancaire.
Il pense que la crise vient aussi de l’immoralité des classes moyennes qui veulent arriver à avoir de l’argent non par le travail, mais par la spéculation.
Michel Rocard a conclu son discours en réaffirmant qu’il faut une Europe forte et que seuls les sociaux démocrates peuvent lui redonner cette force et remettre au cœur du débat les problèmes sociaux, les salaires, la consommation et l’équité.
Cette conférence à été prolongé l’après midi par la visite de collections du Louvre, puis par une invitation de la fondation Jean Jaurès sur le thème : Etre de gauche aujourd’hui en France et en Europe, puis une visite à Aubervilliers au forum pour l’emploi d’Aubervilliers et la visite du camp d’accueil pour les populations nomades.
N’ayant pas participé à ces dernières activités, il n’en est pas restitué de synthèse.
Marie-Geneviève DUHAU-SOULAGE