COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE-DEBAT DU 15 12 2009
« La réforme des collectivités locales- Le rôle des régions »
Olivier DUSSOPT
Député de l’Ardèche – Maire d’Annonay
CR réalisé par Marie-Geneviève Duhau-Soulage, Lucila et Jean-Pierre Jallade
et Georges Choain
En guise de préliminaire, Olivier Dussopt a fait une présentation rapide de la réforme du règlement de fonctionnement de l’Assemblée Nationale. La Commission des présidents décide du temps global de débat puis le répartit en fonction de la représentation des groupes au sein de l’assemblée. Par exemple pour le débat sur la poste le total est de 30h et le PS quant à lui en a 11h25 et lorsque le temps est écoulé, les micros se ferment. Il est donc difficile dans ce cas de défendre ses positions. C’est ce qui se passe sur les 4 textes en débat dont celui sur la poste et celui sur la réforme de l’état et les collectivités locales qui sera examiné après les élections régionales qui sont prévues les 14 et 21 mars 2010.
L’exposé de notre camarade sur la Reforme territoriale a porté sur quatre points, tous allant vers un affaiblissement des territoires et une recentralisation des pouvoirs :
Le millefeuille administratif
Le gouvernement part du principe que l’organisation territoriale actuelle constitue un millefeuille administratif et qu’il y a trop d’élus locaux, d’où gaspillage financier et perte de temps. Les textes de la réforme proposent de créer des « conseillers territoriaux » qui seraient à la fois conseillers généraux et conseillers régionaux.
Les deux conseils, général et régional, seraient maintenus, mais le nombre d’élus serait divisé par deux ou trois (par ex en Lot et Garonne où le nombre d’élus passerait de 52 à 18), leurs responsabilités seraient accrues et ils devraient siéger dans des endroits différents, parfois très éloignés les uns des autres. La réforme n’apporterait pas grand chose en matière de clarification du partage des compétences, les affaires du département et de la région étant mêlées. De plus, les nouveaux conseillers territoriaux risqueraient de se comporter comme les avocats de leur département au sein du conseil régional, empêchant l’émergence de politiques régionales.
Il est intéressant de savoir que le poids des élus territoriaux représente 0,2% du budget des collectivités locales.
A noter également que cette réforme ajoute un échelon supplémentaire : les métropoles.
Le partage des compétences
L’un des buts de la réforme était de mettre fin à l’enchevêtrement des compétences. La réforme prévoit que les régions n’interviendraient plus que sur de « l’obligatoire », qui pour le moment n’est pas défini, mais on sait d’ores et déjà que ceci diminuera la portée et l’impact de l’action régionale et départementale, notamment les aides au tissu associatif et aux communes (actuellement relevant des « compétences générales »). Aussi les financements croisés (état, région, canton, commune…) deviendront difficiles car le demandeur devra prendre à sa charge au moins 50% du montant du coût, ce qui n’est pas viable pour de nombreuses petites communes.
En matière culturelle par exemple, beaucoup de communes, département voire régions contribuent fortement à sa diffusion, mais elles n’auront plus de budget pour cela, car n’auront plus de budget propre et donc moins d’argent à lui consacrer en raison d’autres dépenses « obligatoires » comme déjà indiqué.
Dans le cadre du « Grand Paris » défini Métropole, en discussion actuellement devant le parlement, les pouvoirs du préfet qui deviendrait chef de file vis-à-vis des communes de l’Ile de France redeviendraient aussi forts qu’avant la décentralisation réalisée par Gaston Deferre en 1982. De plus, certaines communes, comme Nanterre, se verrait privée de toute autorité sur la partie de son territoire (environ 1/3) concernée par le Grand Paris.
La taxe professionnelle
La réforme doit être examinée en liaison avec la suppression annoncée de la Taxe Professionnelle (TP), versée par les entreprises, qui permet aux communes, aux départements et à la région de subventionner les activités nécessaires par transfert. Le reste provient des impôts locaux (taxe d’habitation, fonciers) payés par les particuliers.
La réforme prévoit que la TP actuelle (qui assujettit les entreprises qui investissent) serait remplacée par deux nouveaux impôts pour les entreprises :
1/ la C.E.T (Contribution Economique Territoriale) fondée sur le foncier et l’immobilier. .
2/ une taxe sur la Valeur Ajoutée qui englobe les salaires.
Les taux seraient fixés de manière nationale, ôtant aux collectivités la possibilité de moduler ces taux, et supprimant le principe acquis de péréquation des ressources.
Les industries qui ont besoin de gros investissement ne seront plus taxées sur ceux-ci, mais les services qui ont une grosse part de main-d’œuvre en seront les principaux contributeurs, ceci incluant les associations même d’insertion.
Ce transfert de charge des investissements vers les salaires n’est pas de bon augure pour l’emploi et le niveau des rémunérations. Au final, 73% des impôts locaux seraient payés par les ménages/salariés et 27% par les entreprises.
Le projet actuel prévoit une ressource globale de 18,3 milliards contre 28 milliards actuels de TP… la compensation sera faite par l’état pour 2010, mais quid du futur ?
La promesse de l’UMP de ne pas augmenter les impôts dans les régions qu’elle viendrait à diriger est un leurre, puisque les régions n’auront plus la possibilité de prélever des impôts locaux, mais devront se contenter des « dotations » accordées par le pouvoir central, elles n’augmenteront rien, bien évidemment, qu’elles soient de droite ou de gauche !
(voir sur notre blog, un extrait du nouvelobs.com du 1er décembre)
Le mode de scrutin
Le gouvernement veut revenir au scrutin uninominal à un tour, ce qui avantage la droite, bien entendu. Les majorités seraient aussi plus fragiles car un candidat arrivé en tête avec seulement 20% des voix pourrait être élu (cas possible lorsqu’il y a beaucoup de candidats), alors qu’un second tour peut permettre des alliances représentatives d’un pourcentage beaucoup plus élevé d’électeurs assurant ainsi une meilleure légitimité aux élus. On assisterait enfin à une véritable régression en matière de parité H/F car le scrutin uninominal avantage les personnalités déjà en place (des hommes, le plus souvent)
La réforme du mode de scrutin vise donc à permettre à la Droite de reprendre des régions et des départements. Ce mode de scrutin est un gros risque pour la Gauche, notamment si elle n’est pas unitaire dès le 1er tour.
Ces textes en cours de discussion et de vote ne devraient être adoptés qu’après les régionales, mais le gouvernement envisage de faire prendre des décrets d’application raccourcissant le mandat de l’ensemble des élus actuels pour les aligner sur la date butoir de prise d’effet en 2014 ce qui correspond à la fin de mandat des conseillers généraux, alors que les conseillers régionaux devraient siéger
jusqu’en 2016.
Suite à l’exposé de notre camarade, de nombreuses questions ont été posées par l’assistance. En voici quelques-unes:
Questions des participants et réponse de l’orateur
Que propose le PS? Des réformes du millefeuille administratif sont nécessaires. Celles que le PS entend mettre en œuvre pour 2012 sont les suivantes:
- Modification des textes, avec remise de la durée des mandats antérieure,
- Une fiscalité locale avec un système de péréquation,
- Davantage de transfert de l’état vers les collectivités
- En matière de répartition des compétences entre les collectivités, établir le principe du « chef de filat » qui désigne tel niveau de collectivité comme chef de file dans un secteur donné. C’est ce que préconise le rapport Bellot, sénateur UMP et son rapporteur PS, rapport qui n’a pas été adopté, le rapport Balladur sur la réforme de l’état s’y étant substitué.
Le PS a créé un groupe de travail (J.L Bianco, E. Guigou, M. Lebranchu et d’autres) pour des propositions concrètes se basant notamment sur ce rapport
Statut de l’élu ? Les textes en discussion ne parlent pas du statut de l’élu quel qu’il soit, ni du cumul des mandats du nouveau « conseiller territorial ». Rien n’est dit non plus sur l’intercommunalité, ni les communautés d’agglomération dont le fonctionnement et les activités sont basées sur la TP.
Pourquoi cette réforme? Celle-ci est la suite de la promesse faite par le candidat Sarkozy au MEDEF et à la CGPME visant à diminuer la charge des entreprises. Elle vise également implicitement à ne plus dépendre du « libre arbitre » des communes sur la fixation du taux de cotisation des dites entreprises. Un « très » gros lobbying a d’ailleurs été fait par les organisations patronales auprès des députés et du gouvernement.
Quid du re-découpage des circonscriptions ? Celui-ci fait suite à un constat du Conseil d’état demandant un rééquilibrage du nombre d’électeurs par député, mais le re-découpage proposé par le député Marleix est destiné aussi à reconquérir des fiefs tenus par la gauche.