Tribune de Paul Quilès publiée sur le site du Monde.fr
Par bien des aspects, la campagne pour l’élection présidentielle à laquelle nous assistons présente des similitudes avec celle de 1981, qui vit l’affrontement entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand.
Pour ne prendre que l’exemple du climat de l’entre 2 tours, je retrouve la même tactique de la droite, qui consiste à agiter les peurs, à lancer des rumeurs, à multiplier les attaques personnelles. En 1981, il s’agissait surtout de faire croire que François Mitterrand était « prisonnier des communistes ». C’était depuis des années la rengaine de la droite, qui allait jusqu’à affirmer que les chars russes étaient braqués sur Paris. Michel Poniatowski, ministre de l’intérieur, n’avait pas hésité à dire : « Ce qui nous sépare du régime de protectorat militaire, c’est une élection et 300 kilomètres ».
Le ridicule de tels excès, dont le principe est que « plus c’est gros, plus ça frappe », peut faire sourire, sauf que nous assistons aujourd’hui à la mise en œuvre par Nicolas Sarkozy et ses amis de l’UMP des mêmes recettes, faisant toujours appel au triptyque « peurs, rumeurs, attaques personnelles ».
Prenons par exemple le thème mis soudainement en avant par le président sortant pour draguer les électeurs du FN : le vote des immigrés.
Que disait Nicolas Sarkozy en 2001, dans son livre (« Libre ») ? «A partir du moment où les étrangers non communautaires paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sous notre territoire depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien.» Il se souvenait probablement que, depuis le traité de Maastricht (septembre 1992), les ressortissants de l’Union européenne avaient le droit de vote aux élections européennes et municipales.
Et en 2005, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, que disait-il ? « J’ai considéré que le droit de vote aux seules municipales, pour des étrangers présents depuis dix ans sur le territoire national, respectant nos lois, payant leurs impôts et ayant des papiers était une question qui devait être ouverte. En ce qui me concerne, j’y suis favorable».
En 2008, le voilà qui récidive et se déclare « intellectuellement favorable à ce droit », en regrettant qu’il n’y ait « pas de majorité pour le faire passer ». Il avait alors certainement noté que, dans 12 pays européens, les étrangers non membres de l’Union européenne pouvaient voter[1],
Comment ose-t-il alors, avec un culot sans pareil, affirmer aujourd’hui : « Je crois depuis longtemps que le droit de voter et le droit d’être élu (…) demeure un droit attaché à la nationalité française » ? Ah bon, « depuis longtemps » ! Plutôt depuis le soir du 1ertour…..
A l’évidence, ses contradictions, voire ses mensonges ne le gênent pas et, tel un boxeur acculé dans les cordes, il se démène et va continuer à le faire, en n’hésitant pas à porter des coups en dessous de la ceinture, comme on l’a vu depuis quelques jours. Il faut souhaiter que l’arbitre, en l’occurrence le peuple français, saura sanctionner son attitude.
Cet exemple -parmi beaucoup d’autres- des dérapages de Nicolas Sarkozy confirme la véritable nature de ce qu’il faut bien appeler le sarkozysme. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’un système de pensée ou d’une idéologie, même s’il emprunte pas mal de ses idées au libéralisme. Le sarkozysme est avant tout un comportement, dont les caractéristiques sont : l’opportunisme permanent, le mouvement, incessant et désordonné (une annonce chasse l’autre, au gré des situations), la contradiction assumée (il prétend être « hors système » et parler au nom du peuple….alors qu’il baigne dans le monde de l’argent), l’utilisation d’une technique qui consiste à opposer les Français entre eux.
Quoi d’étonnant dans ces conditions de constater le désamour des Français à l’égard de ce président, qui a manqué de respect à leur égard comme à l’égard de l’Etat, de la fonction présidentielle, de la laïcité, de la démocratie et de l’image même de la France ? Il est difficile d’aimer quelqu’un qui ne vous respecte pas.
Le 6 mai sera l’occasion pour les Français de permettre la mise en œuvre d’une nouvelle politique avec François Hollande, mais aussi de faire payer à Nicolas Sarkozy le prix de son irrespect, en fermant ce qui restera la parenthèse du sarkozysme.