Le Président de la République s’est prononcé devant le congrès en annonçant en particulier son souhait de modifier notre constitution afin d’intégrer la déchéance politique dans ce texte.
Cette proclamation s’est vite avérée hasardeuse et dangereuse.
La déchéance telle que le projet semble vouloir l’introduire dans notre constitution pourrait-elle se révéler anticonstitutionnelle? Les constitutionnalistes ne s’accordent pas sur ce point. Ainsi Guy Carcassonne et Robert Badinter font remarquer que, ne réserver la déchéance qu’aux binationaux consisterait à créer deux catégories de français et créer ainsi une discrimination inacceptable or, selon la déclaration universelle des droits de l’homme, tout individu a droit à une nationalité et donc ne pas inclure les détenteurs de la seule nationalité française dans le champ d’application de la déchéance pourrait être considéré comme anti constitutionnel Certains juristes estiment qu’il n’y pas dans cette déclaration de contrainte juridique et ainsi la création de cette distinction entre nationaux et binationaux ne serait pas attaquable.
Par contre l’argument parfois entendu selon lequel il faudrait rejeter le principe de la déchéance parce-que porté par l’extrême droite, ne me semble pas recevable s’il n’est pas étayé par des considérations humanistes constituant le socle de notre parti socialiste .
Je pense donc que nous aurions pu éviter ce nouveau débat particulièrement clivant et donc dangereux en réactivant l’ordonnance du 26 aout 1944 quitte éventuellement à la toiletter. Cette ordonnance prévoit l’indignité nationale pour toute personne ayant apporté son aide à l’ennemi (l’Allemagne en 1944), ayant adhéré à certains mouvements (entres autres la milice) ou ayant participé à certains actes.
Si nous admettons qu’aujourd’hui nous sommes en état de guerre contre Daech ou contre l’Etat Islamique cette peine pourrait être appliquée en privant du droit de vote, d’éligibilité, de l’accession à certaines fonctions publiques ou privées, du port ou de la détention d’armes… (liste de privations non exhaustive laissée à l’appréciation du juge).
Bien entendu cette indignité tout comme la déchéance ne peut constituer l’arme absolue dans la lutte contre les barbares mais la valeur symbolique de l’indignité me parait tout à fait adaptée, permettant d’éviter un débat stérile qui pourrait nous faire oublier qu’en tout état de cause nos ennemis ne baisseront pas les armes sous la menace de déchéance ou d’indignité et que jusqu’à preuve du contraire l’état d’urgence encadré doit être maintenu.
Roland Toulouse