Dimanche 25 avril, en France, plus de 25.000 manifestants ont réclamé justice pour Sarah Halimi. Cette sexagénaire juive avait été tuée en 2017, aux cris de « Allah Akbar », par un homme de 27 ans. En décembre 2019, il a été déclaré irresponsable pénalement par la cour d’appel de Paris. Elle s’est appuyée sur les conclusions de sept experts psychiatres. Ils ont établi que l’auteur des faits, grand consommateur de cannabis, avait été pris d’une bouffée délirante et ne disposait plus de son discernement au moment du meurtre.
Saisie, la Cour de cassation -plus haute juridiction française- a reconnu le caractère antisémite du crime, mais a rejeté les pourvois des parties civiles. Rendu le 14 avril, son arrêt a suscité incompréhension et indignation de la part des proches de Sarah Halimi et d’une partie des Français.
On comprend bien leurs colères ou leurs désarrois. Ils sont désarçonnés par cette décision. Tout en reconnaissant le caractère antisémite de l’acte, la Cour de cassation retient l’irresponsabilité pénale de l’auteur pour cause de démence. Quel qu’ait pu être l’impact de sa consommation régulière de cannabis dans sa démence, le meurtrier ne sera pas jugé par une cour d’assise.
Comment expliquer cela ?
La Cour de cassation a retenu l’abolition et non l’atténuation de sa responsabilité qui aurait permis la tenue d’un procès d’assises. Elle a, en effet, considéré que l’article 122-1 du code pénal n’exclue pas automatiquement l’irresponsabilité pénale lorsqu’une consommation volontaire de toxiques est la cause de l’abolition du discernement. Et, par conséquent, elle a reconnu irresponsable pénalement le meurtrier de Sarah Halimi.
La Justice ne peut pas faire plus que ce que le législateur a prévu qu’elle puisse faire. « Le juge ne peut distinguer là où le législateur a choisi de ne pas distinguer. » a d’ailleurs rappelé la Cour de cassation dans un communiqué. Ce sont les limites de la Justice.
Cependant, il faut bien le constater. Cette décision -comme d’autres- n’offre pas une issue apaisante pour toutes les parties, notamment aux victimes. Mais la Justice, dans un état de droit, est encadrée. Elle n’est pas toute puissante. Les victimes mettent tous leurs espoirs dans un procès pénal qui permettra de « faire leurs deuils ». On ne peut que comprendre. Mais l’enjeu essentiel d’une procédure pénale reste de se prononcer sur la culpabilité du prévenu ou de l’accusé, selon les termes de la loi, et de le sanctionner, conformément à ses dispositions.
Dans ce contexte, Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, a indiqué qu’un nouveau projet de loi sur l’irresponsabilité pénale serait prochainement présenté au Conseil des ministres. C’est tout à fait regrettable.
Non que la législation actuelle sur l’irresponsabilité pénale des déments soit parfaite et ne puisse être ajustée ou amendée. Mais, il est hasardeux de légiférer dans la précipitation. S’il faut reconsidérer cette question -c’est évidemment possible, peut-être même souhaitable- encore faudrait-il permettre au législateur de le faire avec réflexion, sans surfer sur les émotions. Dénoncée par le passé, notamment sous N. Sarkozy, cette tendance du monde politique à s’emparer d’affaires judiciaires sensibles, dans un contexte de campagne électorale, reste déplorable. En nuisant à la quiétude et au lustre de l’institution judiciaire, elle dessert la justice.